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Prescription disciplinaire : ce que l’employeur doit absolument connaître

Par
Cécile Derouin
21.11.2025
5 min
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La prescription de la faute en matière disciplinaire impose à l’employeur d’agir dans des délais stricts.

En application de l’article L.1332-4 du Code du travail l’employeur ne peut plus engager de poursuites disciplinaires à l’encontre d’un salarié au-delà d’un délai de 2 mois après avoir eu connaissance d’un fait fautif. Passé ce délai, la faute est prescrite.

Autrement dit, si un employeur a connaissance d'une faute du salarié et laisse passer 2 mois avant d’engager la procédure, il ne pourra plus sanctionner le salarié pour ce fait fautif. 

Point de départ du délai de prescription : quand l’employeur a connaissance du fait fautif 

Le délai de prescription d’une faute disciplinaire ne commence à courir qu’à partir du moment où l’employeur dispose d’une connaissance exacte, complète et précise de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés.

Cette connaissance n’a pas besoin d’être détenue par le titulaire officiel du pouvoir disciplinaire : la jurisprudence considère en effet que la simple connaissance des faits par un supérieur hiérarchique, même dépourvu de toute compétence disciplinaire, suffit à faire courir le délai de 2 mois (cass.soc 23 juin 2021,n°20-13.762, cass.soc 26 juin 2024, n°23-12.475).

En cas de litige, il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a eu connaissance des faits fautifs moins de 2 mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire.

Situations particulières : la maladie, l’accident du travail, et l’enquête interne 

La maladie, l’accident du travail ou la maladie professionnelle n’ont aucun effet suspensif sur le délai de prescription disciplinaire de 2 mois. L’employeur doit donc engager la procédure dans le délai imparti, même en cas d’absence du salarié.

Ainsi, lorsqu’un employeur accepte de reporter un entretien préalable en raison de l’état de santé du salarié, il doit impérativement s’assurer que l’entretien reporté se tienne avant l’expiration du délai de 2 mois.

La Cour de cassation a rappelé ce principe dans un arrêt de 2022. Dans cette affaire, un salarié avait été convoqué le 28 novembre 2016 à un entretien préalable fixé au 6 décembre 2016, pour des faits commis le 28 octobre 2016. À la demande du salarié, l’employeur avait reporté une première fois l’entretien au 3 janvier 2017 pour raisons de santé du salarié, puis une seconde fois au 6 juin 2017 en raison d’un nouvel arrêt maladie. La Cour a jugé que la prescription était acquise lorsque le licenciement avait été notifié le 16 juin 2017 (cass.soc.2 février 2022, n°20-19.014).

En revanche, l’enquête interne permet de décaler le point de départ de la prescription, mais uniquement si elle présente un véritable intérêt d’investigation et n’est pas utilisée pour contourner la prescription (cass.soc.10 juillet 2019,n°18-11.254).

Report de l’entretien préalable : vigilance absolue

La convocation à l’entretien préalable interrompt le délai de prescription et fait courir un nouveau délai de 2 mois.

Toutefois, lorsqu’un report de l’entretien est sollicité par le salarié, ce report n’interrompt pas ce second délai : l’entretien doit alors impérativement se tenir dans les 2 mois suivant la date de la première convocation (Cass.soc.26 octobre 2016,n°14-26.918).

infographie sur le délai de 2 mois de prescription des faits fautifs en matière de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement disciplinaire interrompu par la remise de la convocation à entretien préalable mais pas par la demande de report de l’entretien par le salarié.

Possibilité d’utiliser des faits prescrits

L’employeur peut tout à fait s’appuyer sur des faits similaires, même prescrits, pour démontrer la persistance d’un comportement fautif (cass.soc.17 mai 2023,n°21-21.019).

Prenons l’exemple d’un salarié qui commet un acte d’insubordination le 1er janvier mais qui n’est pas sanctionné, et qui réitère son comportement 6 mois plus tard. Cette fois, l’employeur engage une procédure disciplinaire. Pour caractériser la faute, il peut tout à fait rappeler les faits d’insubordination prescrits, non pas pour les sanctionner, mais pour démontrer la répétition et la persistance d’un comportement fautif.

De même, lorsque le comportement fautif se répète dans le temps, comme des retards répétitifs, il est possible d'invoquer l’ensemble des fautes commises à l'appui de la sanction même celles dont  l'employeur a une connaissance il y a plus de 2 mois (cass.soc.19 janvier 2017,n°15-24.404).

Poursuites pénales : une exception qui interrompt le délai de prescription 

Si le fait reproché donne lieu à des poursuites pénales dans le délai de 2 mois, la prescription est interrompue (article L.1332-4 du Code du travail)

  • soit jusqu’à la décision pénale définitive, lorsque l’employeur est partie à la procédure ;

  • soit jusqu’au jour où l’employeur a connaissance de l’issue pénale, s’il n’est pas partie à la procédure.

À compter de cette date, un nouveau délai de 2 mois commence alors à courir.

Prescription des sanctions antérieures : la règle des 3 ans

Aucune sanction disciplinaire antérieure de plus de 3 ans ne peut être invoquée pour justifier une nouvelle sanction (article L.1332-5 du code du travail).
Les sanctions anciennes deviennent alors juridiquement inopposables, ce qui protège le salarié contre une accumulation excessive.

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FAQ

Quel est le délai pour sanctionner une faute disciplinaire ?

Le délai est de 2 mois à compter du moment où le détenteur du pouvoir disciplinaire ou le responsable hiérarchique connaît précisément les faits fautifs.

La maladie du salarié suspend-elle la prescription disciplinaire ?

Non. La maladie ou l’accident du travail n’interrompent jamais le délai de 2 mois.

Une enquête interne peut-elle retarder le point de départ du délai ?

Oui, mais uniquement si elle est nécessaire et menée de manière objective.

Les poursuites pénales interrompent-elles le délai ?

Oui, lorsqu’elles sont effectivement engagées dans les 2 mois. Toutefois, une simple enquête préliminaire ne suffit pas à interrompre le délai.

Peut-on évoquer des faits de plus de 2 mois ?

Oui, si ces faits sont de même nature et illustrent la répétition d’un comportement fautif.

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Cécile Derouin
Cécile Derouin est cofondatrice de L'Académie RH. Elle simplifie l'accès au droit social à travers des formations et des contenus pédagogiques notamment sur LinkedIn.

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