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Mise à pied conservatoire : pourquoi ce n’est pas une sanction disciplinaire ?

Par
Cécile Derouin
18.12.2025
5 min
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En droit du travail, il existe deux types de mise à pied aux effets et aux règles juridiques très distincts : la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire. Comprendre cette distinction est essentiel pour sécuriser la procédure et éviter tout risque contentieux.

Comprendre la différence entre mise à pied conservatoire et mise à pied disciplinaire

La mise à pied conservatoire :  une mesure provisoire et non disciplinaire

La mise à pied conservatoire est une mesure immédiate, préventive et provisoire permettant à l’employeur d’écarter temporairement un salarié de l’entreprise lorsque les faits reprochés présentent une gravité telle que le maintien du salarié dans l’entreprise est impossible.

Cette mesure est prise dans l’attente d’une décision définitive, généralement une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave ou faute lourde (cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06- 43867). 

La mise à pied conservatoire n’a pas le caractère d’une sanction disciplinaire. À ce titre, elle n’impose pas le respect de la procédure disciplinaire prévue par le Code du travail.

La mise à pied conservatoire :  une mesure provisoire et non disciplinaire

La mise à pied disciplinaire constitue une sanction disciplinaire. Elle se traduit par une suspension temporaire du contrat de travail, entraînant une absence de rémunération pour le salarié concerné.

Cette mesure impose le respect strict de la procédure disciplinaire (article L1332-2, et articles R1332-1 à R1332-3 du Code du travail) , à savoir :

  • convocation à un entretien préalable,
  • respect des délais légaux entre la remise de la convocation et la tenue de l’entretien, et entre l'entretien et la notification de la sanction,
  • notification écrite et motivée de la sanction

Bien que la mise à pied disciplinaire ait une incidence financière, elle ne constitue pas une sanction pécuniaire : la perte de salaire résulte uniquement de la suspension du contrat de travail inhérente à la mise à pied.

Infographie Mise à pied disciplinaire / Mise à pied conservatoire

Conditions de validité de la mise à pied conservatoire

Pour être valable, la mise à pied conservatoire doit répondre à plusieurs exigences dégagées par la jurisprudence :

  • Les faits reprochés doivent être suffisamment graves
  • La mesure doit avoir un caractère temporaire
  • Elle doit être prise dans l’attente d’une sanction éventuelle
  • Elle ne doit pas traduire une volonté de sanctionner immédiatement le salarié

En pratique, un écrit est indispensable afin de notifier clairement au salarié le caractère conservatoire de la mesure et d’éviter toute ambiguïté.

Conditions de validité de la mise à pied disciplinaire

Pour être valable, la mise à pied disciplinaire doit être expressément prévue par le règlement intérieur, lequel doit également en fixer la durée maximale. À défaut, l’employeur ne peut pas prononcer cette sanction (Cass. soc., 3 février 2016, n° 14-22.218).La seule référence à une durée maximale prévue par la convention collective est insuffisante si le règlement intérieur ne le précise pas (Cass. soc., 7 janvier 2015, n° 13-15.630).Dans ce cas de figure, l'employeur encourt l’annulation de la mise à pied et le paiement au salarié des sommes à titre de salaire et congés payés. 

Dès lors que la durée maximale fixée par le règlement intérieur est respectée, l’employeur peut prononcer une mise à pied disciplinaire de façon continue ou discontinue. Par exemple, il est possible de de répartir 4 jours de mise à pied disciplinaire sur une période de 17 jours (Cass. soc., 12 avril 2012, n° 11-13.768).

⚠️Cas du salarié protégé

L’employeur n’a pas à obtenir l’accord du salarié protégé pour prononcer une mise à pied disciplinaire. Cette sanction n’entraîne ni suspension du mandat, ni modification du contrat de travail, ni changement des conditions de travail (Cass. soc., 11 décembre 2024, n° 23-13.332).

Enquête interne et mise à pied conservatoire : ce que dit la Cour de cassation

Dans une affaire jugée le 17 septembre 2025 (Cass. soc. 17 septembre 2025, n° 23-23671) un salarié avait été placé en mise à pied conservatoire avant l’ouverture d’une enquête interne, puis licencié pour faute grave.

La cour d’appel avait requalifié la mesure en mise à pied disciplinaire, estimant notamment que :

  • la lettre ne précisait pas que la décision était suspendue aux résultats de l’enquête,
  • la procédure de licenciement avait été engagée quelques jours avant la remise du rapport d’enquête,
  • le délai de 3 semaines entre la mise à pied et la convocation à entretien préalable était excessif.

La Cour de cassation censure cette analyse et rappelle qu’une mesure ayant pour objet d’écarter temporairement un salarié de l’entreprise, dans l’attente d’une décision ultérieure, revêt la qualification de mise à pied conservatoire. Tel est notamment le cas lorsque une enquête interne est en cours et qu’un délai raisonnable, justifié par la nécessité de mener des investigations, s’avère indispensable.

La Haute juridiction précise qu’il n’est pas obligatoire d’indiquer expressément, dans la lettre de mise à pied, que la décision finale dépend des résultats de l’enquête, dès lors que le caractère conservatoire est clairement établi.

Cet arrêt apporte des enseignements essentiels pour sécuriser les pratiques RH :

  • La mise à pied conservatoire peut précéder une enquête interne
  • Un délai entre la mise à pied et l’engagement de la procédure disciplinaire est admis s’il est objectivement justifié
  • La mesure conserve son caractère préventif tant qu’elle ne constitue pas une sanction déguisée
  • La cohérence entre les écrits et le déroulement de la procédure est déterminante

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FAQ

Qu’est-ce qu’une mise à pied conservatoire ?

C’est une mesure provisoire permettant d’écarter un salarié de l’entreprise dans l’attente d’une sanction éventuelle, sans caractère disciplinaire.

La mise à pied conservatoire doit-elle respecter la procédure disciplinaire ?

Non, puisqu’elle n’est pas une sanction, la procédure disciplinaire n’est pas requise à ce stade.

Peut-on mener une enquête interne pendant une mise à pied conservatoire ?

Oui, la Cour de cassation admet que la mise à pied conservatoire soit maintenue le temps nécessaire aux investigations.

Un délai de plusieurs semaines est-il autorisé avant l’entretien préalable ?

Oui, s’il est justifié par la nécessité de l’enquête et des vérifications.

Quels sont les risques d’une requalification en mise à pied disciplinaire ?

La sanction ultérieure, notamment le licenciement, peut être jugée sans cause réelle et sérieuse.

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Cécile Derouin
Cécile Derouin est cofondatrice de L'Académie RH. Elle simplifie l'accès au droit social à travers des formations et des contenus pédagogiques notamment sur LinkedIn.

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